💡 Sol Cesto : « Vouloir faire du jeu vidéo, c’est comme vouloir être musicien »

💡Franc Jeu, c'est une interview de créateur ou créatrice de jeu vidéo, tous les 15 jours, pour les soutiens de notre média. 💚

📝 Dans cet épisode :
- L'avenir de Sol Cesto
- L'évolution de ses ventes
- Sa direction artistique "grotesque"
- Pourquoi le jeu vidéo est surtout un métier "pour se faire kiffer"

C’est à un festival de BD que se rencontrent le développeur de jeux vidéo Géraud Zucchini alias Doc Geraud (Buissons, Larcin Lazer) et l’auteur de BD Chariospirale (Le meilleur dessinateur de tous les temps).

Les deux Français sympathisent et, deux ans plus tard, participent ensemble à une game jam. Leur duo marche bien et ils décident de s’associer pour un roguelike, Sol Cesto. Sorti au mois de mai en accès anticipé sur Steam après deux ans de labeur, le jeu a cartonné.

Comment qualifiez-vous le succès de Sol Cesto ? C’était inespéré ?

Chariospirale : Ça dépend quand tu nous demande : pendant le développement, nos attentes dépendaient pas mal du moment. Juste avant la sortie, on visait le plus bas, on se disait “bon, si on en vend 10 000, on sera contents !”

Doc Geraud : Comme mes deux jeux les plus vendus étaient Buissons et Un Pas Fragile, à 15 000 unités vendues à peu près chacun sur toute leur durée de vie, je me disais : à deux, avec un éditeur, si on en vend pas au moins 15 000 je serai déçu.

Chariospirale : Le premier jour de vente on était déjà à 5 000, puis on est arrivés assez vite aux 10 000.

Doc Geraud : Après deux mois, on était à 35 000 et là le streameur Northernlion nous a remis un coup de boost, on a fait 20 000 ventes de plus et donc là on est à 57 000. On est méga contents !

Chariospirale : C’est énorme. Et il fallait vraiment que ça marche parce qu’on avait un contrat un peu particulier, l’éditeur ne nous payait pas [le développement] mais juste le marketing, donc les sous investis dans la production des jeux provenaient juste de nos économies. Géraud avait tout juste emménagé à Angoulême, je venais de quitter mon boulot dans un bar, on était à fond dessus.

Ça nous faisait hésiter pour l’accès anticipé, on était dans un ping-pong permanent [pour savoir s’il fallait sortir directement en 1.0 ou non]. Au final, c’est trop bien qu’on ait fait l’accès anticipé, mais ça aurait aussi pu mal se passer, avec un flop en accès anticipé et nous deux qui devons finir le jeu alors qu’il marche pas.

Doc Geraud : Pour être honnête, au final, ce qui a fait pencher la balance pour l’accès anticipé c’est qu’on n’avait plus de thunes et qu’on avait encore beaucoup de temps de développement devant nous. Ce n’est pas une très bonne raison de le faire, mais on a eu énormément de chance parce que l’accès anticipé était le format parfait pour ce qu’on avait à la sortie. Ça nous a beaucoup aidé à guider la suite du développement, à prioriser. Et ça nous donne le temps de bien arranger le jeu, donc on va pouvoir lui faire la belle fin qu’on avait en tête avec Chario.

Chariospirale : Comme c’est un roguelike, il y a des choses qu’on a changé depuis. Si on était sortis en 1.0, le jeu serait resté comme ça [sans les changements], et ça aurait été dommage.

« Le jeu vidéo, c'est un métier pour se faire kiffer »

Dans une vidéo, Géraud explique que vous allez toucher chacun environ 40 000 € bruts sur les premiers mois du lancement. Ça fait 20 000 € brut par année de développement en moyenne, c’est à peine au-dessus du SMIC… Alors qu’on parle d’un succès inespéré. Donc ça dit quoi du métier de développeur de jeux vidéo, il faut arrêter en fait, non ?

Doc Geraud : Là-dessus j’ai deux trucs à dire quasiment inverses. Déjà, depuis les premiers mois le jeu s’est encore plus vendu, donc là avec Chario on a chacun gagné entre 80 000 et 90 000 € bruts.

Chariospirale : C’est énorme. On le dit là comme ça, mais j’arrive même pas à m’en rendre compte...

Doc Geraud : Et le jeu va continuer à nous rapporter des sous. Avec la sortie en 1.0, on aura même des clauses de contrats qui vont s’activer et nous faire retoucher pas mal de sous. Donc c’est sûr qu’on va gagner au moins 100 000 € chacun. Au total, Sol Cesto aura pris environ trois ans de développement et même si tu divises, ça fait de bons mois…

Ça fait 33 000 brut chacun par an, un peu plus de 2 000 € en net mensuel. Mais ça, c’est parce que vous en avez vendu six fois plus que ce que vous espériez. Donc l’objectif, c’était d’en vendre 15 000 et de… pas avoir de thunes, du coup ?

Chariospirale : (rires) Ouais !

Doc Geraud : (rires) Oui, c’est ça. D’avoir à peine de thune et de continuer à faire du freelance en parallèle, des trucs comme ça…

Mais c’est nul en fait, d’être développeur.

Doc Geraud : Eh bien justement, la deuxième chose que je voulais dire, c’est qu'il ne faut pas faire des jeux vidéo pour gagner de l’argent. C’est un métier pour se faire kiffer. Si tu veux gagner de l’argent dans ta vie, tu fais mille autres trucs, tu deviens programmeur dans la tech ou quelque chose comme ça.